L’économie du Rhin

Port du Rhin à Strasbourg - Canal d'Alsace - Bassin Haelling (photo Frantisek Zvardon)

L’économie du Rhin et ses métiers

Le 21 mars 2016 avait lieu la première des trois tables-rondes organisées par l’association Au fil du Rhin et l’Université de Haute-Alsace, consacrée à « L’économie du Rhin et ses métiers ».

Ce cycle de conférences, ouvert aux étudiants et au public, visait à offrir des regards croisés entre les acteurs de la vie au fil du Rhin et des experts universitaires, favorisant les échanges en matière de formation professionnelle et d’activités en développement autour des trois enjeux du développement durable : économique, environnemental et sociétal.

La première conférence portait sur l’économie du Rhin et ses métiers. Elle s’est déroulée le 21 mars 2016 à l’UHA sur le Campus Illberg de Mulhouse.

Dans le public, Paul Haering, chercheur chez EiFER, l’Institut Européen de Recherche pour l’Énergie, détenu à parts égales par EDF et le KIT (Institut de Technologie de Karlsruhe), et membre de l’association Au fil du Rhin. Nous avons demandé à Paul de nous fait part de ce qu’il a retenu de cette table-ronde.

Autour de Didier Bonnet, journaliste économique, les organisateurs avaient réuni Brigitte Bouchez, directrice des études et de la vie universitaire de l’Université de Haute-Alsace, Claude Schaeffer, chargé de mission parcours professionnels à la centrale nucléaire EDF de Fessenheim, Jacky Scheidecker, directeur des ports de Mulhouse-Rhin, et Jean Klinkert, directeur de l’Agence de développement touristique de Haute-Alsace.

Les activités autour du Rhin des Ports de Mulhouse-Rhin, d’EDF en Alsace, et de l’UHA

Ports de Mulhouse-Rhin

Ports de Mulhouse-Rhin regroupe trois sites portuaires ancrés au sud de l’Alsace : le port de Mulhouse-Ottmarsheim (2300 emplois induits), Mulhouse Ile Napoléon (15 000) et Huningue (950). Le port de Mulhouse constitue le troisième port fluvial après ceux de Strasbourg et de Paris. Les activités du port sont concentrées autour de 2 axes : 1. Gestionnaire : protection du foncier, accueil de sociétés industrielles, stockage, 2. Métiers du port axés autour de la manutention (conducteur de locomotive, grutier)

EDF

Deuxième employeur industriel d’Alsace avec 3000 salariés pour une centaine de métiers. 200 recrutements par an depuis 2010. Les salariés se répartissent en 3 grandes catégories d’emploi : 1. Exploitation & maintenance pour l’hydraulique et le nucléaire, 2. ingénierie informatique et de gestion des risques, 3. Appui tertiaire. EDF est responsable de la libre circulation sur le Rhin Supérieur et gère à ce titre le pilotage des écluses (50 personnes embauchées pour assurer un service discontinu)

Université de Haute-Alsace (UHA)

L’UHA compte plus de 8 000 étudiants, inscrits dans 170 formations, du niveau DUT, licence, diplôme d’ingénieur, master, jusqu’au doctorat, dispensées au sein de 4 facultés, 2 IUT et 2 écoles d’ingénieurs sur deux villes (Mulhouse et Colmar). Elle compte également 17 laboratoires de recherche qui font de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée. université membre du groupement européen de coopération internationale (GECT) EUCOR qui regroupe les 5 universités du Rhin Supérieur (UHA, Strasbourg, Bâle, Freiburg et Karlsruhe). L’UHA propose des formations trinationales qui permettent aux étudiants de découvrir des systèmes universitaires différents et d’effectuer des stages à l’étranger. Actuellement, 250 étudiants sont inscrits dans une des trois licences de ce type : 1. Management éco-gestion, 2. Mécatronique, 3. Génie électronique / informatique industrielle / réseaux et télécommunications. UHA 4.0 : formation du niveau licence, basée sur une validation des acquis par la réalisation de projets, permettant de former des étudiants pour l’industrie numérique.

Le Rhin, axe de transport stratégique en Europe

Jacky Scheidecker, directeur des Ports de Mulhouse-Rhin, rappelle l’importance stratégique du Rhin pour le transport de marchandises. Actuellement plus de 300 000 tonnes de marchandises, soit 50% de la capacité de transport du fleuve, y transitent chaque année. Le bassin rhénan est au carrefour des corridors majeurs de transports définis par l’Union Européenne.

Bien que l’allemand soit la langue de travail sur le Rhin, la logique portuaire n’est pas rhénane mais plutôt anglo-saxonne et mondialisée. Les chauffeurs routiers viennent principalement d’Europe de l’Est (Moldavie, Ukraine) tandis que les marins sont philippins et les bateliers néerlandais. La situation de la batellerie et du fret apparait fortement dégradée en France.

La tendance actuelle est à la massification afin de réduire les coûts de transport. Néanmoins, le Rhin, comme tout cours d’eau, est impacté par le changement climatique comme en témoigne le dernier épisode de basses eaux du Rhin qui a engendré lors de l’hiver 2015 une réduction des capacités de transport et fait exploser les prix à la tonne.

EDF est un acteur majeur du transport sur le Rhin supérieur

EDF en sa qualité de gestionnaire du pilotage des écluses joue un rôle capital dans le transport de marchandises. L’économie locale, fortement tributaire des flux des marchandises transitant dans les ports rhénans, peut être sensiblement impactée par les pannes des écluses qui causent un blocage du trafic fluvial. Claude Schaeffer, chargé de mission parcours professionnels à EDF, souligne qu’une attention particulière est portée au recrutement des éclusiers. Les candidats doivent remplir les deux pré-requis suivants : pratiquer l’allemand et faire preuve d’un intérêt, d’un enthousiasme pour occuper ce poste à responsabilité.

Les formations de l’UHA adaptées aux besoins des industriels locaux

Brigitte Bouchez, directrice des études et de la vie universitaire, rappelle que l’Université de Haute-Alsace valorise les formations trinationales et que l’UHA 4.0, une démarche d’apprentissage innovante pour les métiers du numérique, a vu le jour. Les 2 représentants industriels estiment que la formation délivrée à l’Université de Haute-Alsace est adaptée aux métiers qu’ils pourvoient, comme attesté par l’accueil régulier des stagiaires et candidats issus des parcours proposés par l’université.

Le port de Mulhouse et ses voisins rhénans à l’heure du numérique

Jacky Scheidecker signale que l’activité industrielle à Mulhouse est en recul (la dernière implantation d’une entreprise date de 1993) et dominée par quelques grands groupes (PSA, SOLVAY), ce qui crée une situation de dépendance pénalisant le développement pérenne de l’activité portuaire. Le port de Mulhouse milite depuis 2 ans pour faire acheminer les imposants rotors et stators des turbines éoliennes produites par General Electric à Belfort par voie d’eau jusqu’à Strasbourg (canal du Rhône-au-Rhin puis via le Rhin). Cette alternative, jugée d’une part plus économique, d’autre part synonyme de moins de congestions sur les axes routiers et d’une réduction des émissions de CO2, se heurte pour l’instant à des blocages administratifs.

Une autre initiative plus fructueuse est celle ayant été menée conjointement par les ports de l’alliance Rheinports (ports de Mulhouse, Weil-am-Rhein et Bâle) qui a profité d’un financement à hauteur de deux millions d’euros de l’Union Européenne. Elle a consisté au développement d’un outil informatique permettant de contrôler en temps réel le positionnement des bateaux afin de planifier au mieux les fenêtres de chargement des terminaux. A terme, cette solution devrait être étendue à l’ensemble des ports du Rhin supérieur.

La relation port-ville : statu quo ou intégration renforcée ?

A l’instar d’autres ports rhénans (Karlsruhe), le port de Mulhouse n’est pas intégré dans la ville : de ce fait, la majorité des Mulhousiens ignorent que leur ville abrite un port fluvial de rang national. Cette configuration est propice au port dans la mesure où il est moins contraint dans l’exercice de son activité que dans le cas d’une plus grande proximité géographique avec le centre urbain. Des actions de communication et l’organisation évènements festifs autour du port, à l’image de l’Hafenfest à Bâle, peuvent favoriser les relations ville-port et sensibiliser davantage les citoyens quant à l’importance de l’infrastructure portuaire pour l’économie locale alsacienne.

Le tourisme au fil du Rhin

Jean Klinkert, directeur de l’Agence de développement touristique de Haute-Alsace, a clôturé cette première conférence en rappelant l’essor considérable du tourisme sur le Rhin lors des dernières décennies. Le Rhin à travers ses mythes, légendes et autres sites remarquables (Fortification Vauban de Neuf-Brisach, Petite Camargue Alsacienne) continue de fasciner petits et grands.

Mais qui es-tu Paul Haering ?

J’ai effectué une licence en physique et énergies renouvelables en Alsace (DUT à Schiltigheim puis Licence pro à Mulhouse), avant d’effectuer mon Master spécialisé en énergies renouvelables et efficacité énergétique à Kassel en Allemagne. J’ai intégré EIFER en 2012, en tant qu’ingénieur de recherche, pour travailler sur l’évaluation des démonstrateurs Smart Grid EDF (Millener, Nice Grid). Mes thématiques premières de recherche concernent la digitalisation du secteur de l’énergie (effacements résidentiels, batteries domestiques, compteurs intelligents, Smart Home) et les interactions entre les différents secteurs (électricité, chaleur, gaz et mobilité) pour flexibiliser le système électrique dans un contexte de forte intégration des EnR. Je porte également au sein du projet ville durable, géré par EIFER, l’activité port durable. D’un point de vue personnel, je suis aussi un passionné de sports et fervent supporter du Racing !

A lire également le compte-rendu de cette table-ronde, publié sur la site EDF.